Une (trop) brève histoire de la Neo Soul française
Épisode 1.
Lorsqu’on pense neo soul, on pense volontiers Erykah Badu, D’Angelo, Jill Scott ou Angie Stone. A juste titre. En réalité, dans l’inconscient collectif, neo soul est systématiquement associé au sous-genre musical américain du R&B. En France, nous avons, nous aussi, notre histoire en matière de « nouvelle soul ». Et nos précurseurs, qui ne sont autre que Les Nubians.
Dans un premier épisode, nous définirons ce qu’est la neo soul et comment elle est apparue en France. Dans un second, nous recueillerons le témoignage historique des Nubians. Enfin, pour notre 3ème épisode, la Rédak. partagera avec toi une sélection d’artistes neo soul français qui font vivre le mouvement. Parce que oui, la neo soul en France existe bel et bien. Let’s go !
Qu’est-ce que la neo soul ?
Le terme neo soul apparait à la fin des années 90, à l’initiative de Kedar Masembourg. L’homme d’affaires, alors président de Motown Records, cherche à commercialiser une musique à mi-chemin entre soul et R&B contemporain. Selon le journaliste Chris Campbell, la neo soul (ou new soul) est une musique qui fusionne R&B, soul des années 70 et hip-hop. Pour aller plus loin, l’on ajoutera qu’en termes de sonorités, les artistes de ce mouvement empruntent volontiers au jazz, à la funk, à l’électro ou au rock, autant qu’aux rythmes africains, rendant leur musique plus élaborée et plus complexes.
1997. Impulsée par les Soulquarians, un collectif de musiciens friand d’expérimenter de nouvelles sonorités, la neo soul se distingue aussi musicalement en abordant des thématiques plus conscientes et politisées que leurs prédécesseurs orientés soul music, tout en revendiquant leurs appartenances africaines. Cette dernière précision est importante car en France, dès 1995, Les Nubians font leur apparition.
Les débuts de la neo soul en France
1995. Les sœurs franco-camerounaises Hélène et Célia Faussart forment Les Nubians. Petit aparté définition pour éclairer notre lanterne : Les nubiennes sont les femmes originaires de Nubie, région qui s’étend sur plus de 1400 km le long du Nil, et correspond à l’actuelle Égypte du Sud et le nord du Soudan. La Nubie est surtout l’une des premières civilisations de l’Afrique ancienne.
On comprend mieux pourquoi Hélène et Célia ont choisi ce blaze artistique. Est-ce tu sens l’affirmation identitaire là ? On est donc très proches de la définition neo soul de Chris Campbell et de sa notion d’afrodescendance et de revendications. Les Nubians se font d’abord remarquer avec leurs exercices de style a capella, puis très vite, leur étendard arborant le concept d’ »Afropéanité ».
1998. Le duo, originaire de Bordeaux, chamboule l’ordre établi avec leur titre « Makeda », extrait de l’album Princesses Nubiennes (Virgin Records).
« Makeda » propose des sonorités jamais entendues auparavant en France, au point que l’industrie de la musique ignore quelle étiquette lui attribuer en termes de genre musical. On se retrouve dans un néant d’appellation marketing, et un pot-pourri de mots tels que new jack, groove ou encore R&B à toutes les sauces. Toujours pas de terme « neo soul » en France, avec pourtant des artistes comme Les Nubians donc, Native et début des années 2000: Teri Moïse ou Sandy Cossett.
Qu’en est-il de l’intronisation de nos Princesses Nubiennes?
Nos princesses nubiennes, les Nubians donc, font l’unanimité auprès des listeners français amateurs du genre, moins auprès de l’industrie musicale française. Avec « Makeda », les Nubians confirme pourtant leur positionnement neo soul. Chanter le Reine de Saba est suffisamment explicite. Mais figure-toi, que le titre « Makeda », fait aussi l’unanimité outre-Atlantique. L’album Princesses Nubiennes, quant à lui, s’écoule à plus de 400 000 exemplaires aux États-Unis. Constat implacable : La France perd ses précurseurs neo soul et les Nubians s’énvolent vers les États-Unis, territoire de leur intronisation.
La suite de « Une (trop) brève histoire de la Neo Soul française » dans l’épisode 2.