Miriam Makeba : la musique au service de la vérité
Dans le cadre du tiny m@g hors-série South African Series, impossible de passer à côté de cette grande musicienne qui a tant œuvré pour son pays l’Afrique du Sud. Hommage à la regrettée Zenzile Miriam Makeba Qgwashu Nguvama, l’interprète du titre mondialement connu « Pata Pata », également connue pour son combat pour la liberté.
⭐️ « Mama Africa » 4 mars 1932 – 9 novembre 2008 ⭐️
Le peuple l’avait baptisée “Mama Africa” ou encore “La Reine de la musique Sud-africaine”. Elle chantait en xhosa, swahili, sotho, zulu et en anglais, dans des registres jazz, folk, afropop, imprégnés de la tradition orale, et tout ce qui trouvait grâce à son élan créatif. Tout comme ses compatriotes Abdullah Ibrahim ou Hugh Masekela, sa musique était un hommage continu et vibrant à ses racines. Avec la musique pour arme de sensibilisation massive, elle a offert à son pays une porte ouverte sur le monde; chanté ses richesses et toutes ses contradictions.
Plus qu’une chanteuse, elle était une activiste engagée qui dénonçait les injustices de l’Afrique du sud ; jusqu’à en demander le boycott aux Nations Unis. Elle n’aura cessé de travailler à sa libération, mais aussi celle de l’Afrique, animée par la liberté et avec ce don inné que l’autodidacte avait pour la musique.
L’exil comme tremplin vers le succès
En 1948, avec le Parti National (PN) au pouvoir et les lois de l’apartheid qui se durcissent, il est difficile pour les musiciens sud-africains noirs de s’exprimer librement et de diffuser leur musique à la radio et à la télévision. 1957 : Miriam a 25 ans. Elle intègre la Revue musicale South African Jazz and Vaudeville, ce qui l’amène à se faire un nom chez elle, puis aussi sur le continent.
Miriam avait rejoint les voix de l’Union des artistes, quelques années après sa création en 1952. Cet espace d’enregistrement indépendant a été crée en protestation des régulations de la South African Broadcasting Corporation (SABC), qui maintenaient les artistes noirs et leurs revendications dans la censure.
En 1959, après ses apparitions dans la comédie musicale King Kong, qui remporte un franc succès à l’international (Italie, Angleterre, États-Unis), et à Come Back, Africa, un film documentaire critiquant l’apartheid, les autorités sud-africaines résilient son passeport.
Miriam Makeba est contrainte à l’exil. C’est alors qu’elle débarque à Londres, apatride et sans musiciens. Elle y rencontre Harry Belafonte qui l’aide à obtenir un visa pour les États-Unis; ce qui façonnera sa carrière internationale.
Je ne chante jamais la politique. Je ne chante que la vérité.
Miriam Makeba.
Une prestation en particulier aura été le starter de ce succès : celle du Village Vanguard (NYC), en 1959 devant un parterre de célébrités et de médias influents – de Nina Simone à Miles Davis et Sidney Poitiers, jusqu’au New York Times. Initialement, Miriam s’envolait vers les États-Unis pour 4 mois. Elle y resta 10 ans.
“Pata Pata” (1967) a largement contribué à façonner cette visibilité. Tout autant que sa discographie, pourtant censurée chez elle dès 1962. Si bien qu’en 1966, elle reçoit le Grammy Award du meilleur album pour “An Evening with Belafonte and Makeba”.
L’Afrique pour bouclier, le monde pour asile
Durant toutes années d’exil, elle ne cessa de raconter les atrocités vécues par son peuple. Ces chansons ont d’ailleurs attiré l’attention de musiciens du monde entier, autant que celle des politiques, des médias et de la diaspora toute entière.
En effet, pas moins de 10 pays d’Afrique et d’ailleurs lui témoigneront soutien, amour et respect en lui accordant la citoyenneté. Et c’est finalement la Guinée que la Mère de l’Afrique adoptera comme point d’ancrage pour poursuivre son combat d’une vie.
En 1990, Nelson Mandela réussira à la convaincre de rentrer chez elle. Passeport français en poche, elle aura accusé 30 ans d’exil politique à chanter la justice, l’égalité et la paix. Son rêve le plus cher. Elle prends toutefois une sacrée revanche! En 2004, elle reçoit, chez elle, le South African Music Award pour son album Reflections, catégorie Meilleur album jazz vocal.
« Je mourais probablement en chantant »
C’est finalement ce qu’il s’est passé. Miriam Makeba a quitté cette terre le 9 novembre 2018, victime d’une crise cardiaque sur scène. Elle donnait un concert à Caserte, en Italie.
#Must Watch. Pour aller plus loin. Les archives de la RTS (1981) racontent en partie cet emblème de la lutte anti-apartheid. Miriam y partage des morceaux de vie et des anecdotes remarquables. Toujours dans un souci de se faire comprendre de son audience, dans un français qui force le respect.