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Quincy Jones : Le départ d’un architecte musical visionnaire 🕊️


Le 3 novembre dernier, les amateurs de musique du monde entier, conscients ou non de son impact, doivent se rendre à l’évidence. Quincy Jones n’est plus. Comment faire le deuil d’une âme ayant tant participé à faire danser, réfléchir, émouvoir… De par ses mille vies, ce trompettiste, arrangeur, compositeur, producteur a réussi à emmagasiner un savoir inestimable. Jazz, funk, soul, hip-hop, bossa nova : il aura navigué dans une myriade de styles. Finalement, il n’est d’aucun deuil à faire. Son œuvre lui ouvre les portes de l’immortalité. Quincy Jones (1933-2024): notre hommage…

Il est difficile de percevoir à quel point Q, comme on le surnommait, a façonné la musique et la carrière des plus grands artistes. Il était évident qu’une pluie d’hommages allait abonder pour honorer sa mémoire. Stevie Wonder, Lionel Richie, Elton John, Snoop Dogg, Nile Rodgers et d’autres artistes pionniers dans leur genre. Le plus remarquable dans l’ensemble de son œuvre a été son habileté à se réinventer année après année. Son ouverture d’esprit et sa curiosité lui ont permis de traverser les époques en proposant toujours, parmi ses multiples casquettes, des projets novateurs et de qualité. Sa générosité l’a amené à collaborer avec toutes les générations de musiciens.

Quincy Jones: Le Jazz comme révélation

Quincy Delight Jones
Gorup de Besanez, CC BY-SA 3.0

Si tu aimes la musique, tu peux remercier la voisine du jeune Quincy de l’époque à Chicago. C’est elle qui lui donne une première idée de ce qu’est le jazz en jouant du piano. Il bifurque ensuite vers la trompette. Q prend des cours avec Clark Terry, alors en tournée avec l’orchestre de Count Basie. A 14 ans, une rencontre décisive se produit. Il rencontre Ray Charles, son aîné de deux ans, qui sera selon ses dires, l’une de ses premières sources d’inspiration. En 1951, il obtient une bourse à la prestigieuse Berklee College of Music de Boston. Quelques années plus tard, il intègre l’orchestre de Lionel Hampton en tant que trompettiste et arrangeur. Sa carrière d’arrangeur se poursuit ensuite aux côtés des plus grands artistes jazz de l’époque. Citons Sarah Vaughan, Ray Charles, Count Basie, Dizzy Gillespie, Cannonball Adderley, Dinah Washington et Duke Ellington.

En 1956 il est engagé par Dizzy Gillespie comme trompettiste et directeur musical de son big band. Puis, son travail d’arrangeur s’écrit en France, où il s’installe à Paris. Il travaille pour le label d’Eddie Barclay auprès d’artistes tels que Charles Aznavour, Henri Salvador, Jacques Brel. En parallèle, il perfectionne sa musique auprès de la grande Nadia Boulanger, cheffe d’orchestre, compositrice, professeure de piano. Elle aussi, a influencé bon nombre de musiciens du 20ème siècle. Après la séparation du big band The Jones Boy, il retourne aux États-Unis. Il continue son travail d’arrangeur et devient même directeur musical chez Mercury Records. Sa notoriété est alors au summum. Il collabore avec Frank Sinatra, Barbara Streisand et Tony Bennett.

La musique pour religion, la musique sous toutes ses formes

Durant sa jeunesse, Quincy rêve de produire de la musique pour des films et des séries. Il concrétise son désir au début des années 60. Sa carrière comptabilise plus d’une quarantaine de musiques de films. 1964. Après la sortie de son disque Big Band Bossa Nova en 1962, (magnifique hommage à la musique brésilienne que je t’invite à écouter), le premier titre “Soul Bossa Nova” est intégré dans Le prêteur sur Gages de Sidney Lumet. Il est repris ensuite par Woody Allen dans Prends l’oseille et tire-toi en 1969. Plus tard, c’est le film Austin Powers qui l’intègre dans son générique et Q y fait même une apparition.

Quincy Jones Soul Bossa Nova
Quincy Jones Soul Bossa Nova

En 1977, il réalise la B.O. de Roots. Le film évoque le destin d’une famille afro-américaine en proie à l’esclavage et à la ségrégation aux États-Unis. Il obtient un Emmy Award pour cette B.O, notamment grâce à la somptueuse voix de Letta Mbulu, chanteuse sud-africaine.

1985. Steven Spielberg fait appel à Quincy pour la bande originale du film La Couleur Pourpre. Whoopi Goldberg et Oprah Winfrey y font leurs débuts à l’écran. Le titre “Miss Celie’s Blues”, enregistré par Tata Vega, et des paroles signées Lionel Richie, obtient l’Oscar de la meilleure musique de l’année en 1986.

Les années 80 et Michael Jackson

La collaboration suivante marque un tournant dans la carrière de Q. Sa rencontre avec celui qui deviendra The King of Pop: Michael Jackson, bien sûr. Cette collaboration débute sur le film The Wiz adapté d’une comédie musicale qui revisite Le Magicien d’Oz. MJ cherche alors un producteur pour relancer sa carrière solo après son passage chez Motown. Michael Jacksonl trouve en Quincy Jones un guide. Q façonnera l’artiste mais finalement aussi l’humain. Ensemble, ils donnent naissance aux hits “Off the Wall” en 1979, “Thriller” en 1982 et “Bad” en 1987. Les albums les plus importants de sa carrière. Q et MJ ont emprunté à la funk, au disco, au rock, à la pop, le R&B, au jazz et à l’afrobeat pour “Billie Jean” et “Wanna Be Startin Somethin”. Pour “Thriller”, Quincy a eu la brillante idée d’inclure le solo d’Eddie Van Halen sur “Beat It”, à contrepied de ce à quoi on pouvait s’attendre.

Quincy Jones et la décennie de l’immensité

Les années 80 vont aussi permettre à Quincy de se mouvoir dans des projets colossaux et de nouveaux genres musicaux. Comment ne pas évoquer le projet “We Are The World” de 1985! Le titre vise à récolter des fonds pour répondre à la famine en Éthiopie. Il est coécrit par MJ et Lionel Ritchie. Et regroupe des artistes majeurs parmi lesquels Stevie Wonder, Diana Ross et Bob Dylan. Mais aussi Ray Charles, Tina Turner, Dionne Warwick, Daryl Hall ou encore John Oates. Il revient au début des années 90 à son premier amour, celui qu’il n’a finalement jamais vraiment quitté : le jazz. Après de multiples refus, il réussit à convaincre Miles Davis de revenir sur son répertoire pour le festival de jazz de Montreux. Quincy y dirige deux orchestres, celui de Gil Evans et de George Gruntz.

Miles Davis & Quincy Jones Montreux
Album live à Montreux Miles & Quincy, 1991 ©Annie Leibovitz

Regard vers le futur, transmission pour l’avenir

1989. Quincy sort un album clé pour la fusion du jazz, hip hop, soul. Back on The Block est novateur dans son approche. Quincy y rend hommage à tous les styles musicaux qui ont marqué sa carrière. Il y invite des artistes majeurs dans leur discipline. Citons Ray Charles, Barry White, Ella Fitzgerald, Chaka Khan mais aussi des pionniers du rap comme Ice-T et Big Daddy Kane.

C’est le mariage de la tradition et de la modernité! Il faut dire que Q a participé aux projets les plus ambitieux dans chacun de ces registres. C’est l’un des rares artistes à témoigner d’autant de connaissances musicales.

Q et la hip-hopsphère

Avec cet atout, le visionnaire casse les codes et les barrières qui semblent exister entre les genres. Sa vision permet aussi à des groupes de s’affranchir des codes. On pense à The Tribe Called Quest sur The Low End Theory et The Pharcyde avec Lacabincalifornia. Permettant de proposer un savant mélange de jazz et de hip-hop. On réalise l’héritage qu’il a laissé derrière lui grâce aux samples empruntés à ses œuvres. The Pharcyde, Nas, Outkast, Lil Wayne, Mobb Deep, Snoop Dogg, LL Cool J, DJ Quik… Tous ont pour point commun d’avoir samplé des productions sur lesquelles Quincy a participé.

Quincy Jones, Canadian Film Center ©Sam Santos CC BY 2.0
Quincy Jones, Canadian Film Center ©Sam Santos CC BY 2.0

Quincy Jones, un mentor pour beaucoup

Enfin, sa dévotion envers la musique a conduit Quincy à accompagner pléthore d’artistes en tout genre jusqu’à la fin de sa vie. Notamment Jacob Collier, qu’il qualifie de “génie musical”. Lui qui a commencé dès son plus jeune âge, est d’ailleurs devenu aux côtés de son mentor, un artiste de renommée mondiale. Q devient aussi le mentor d’autres artistes. Comme le prodige de la guitare Andreas Varady, la chanteuse Nikki Yanofsky, les pianistes Alfredo Rodriguez, Emily Bear et Justin Kauflin.

Impossible de faire une conclusion reprenant en quelques mots l’ensemble de l’œuvre que Quincy Jones nous lègue tant elle est vaste et riche. On ne peut que regretter son départ et admirer le chemin qu’il a réussi à tracer pour tant d’artistes au fil des années de sa longue carrière. Au revoir Quincy Delight Jones…🕊️

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Cover article: Quincy Jones dans son studio 10 août 1980 ©Los Angeles Times Photographic Collection, UCLA Library CC-BY 4.0


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