Grace Jones: 77 ans, éternelle Diva
Grace Jones est une icône, une provocatrice, une œuvre d’art vivante. La chanteuse jamaïcaine ne rentre dans aucun cadre. Elle s’aventure dans la post-disco brûlante avec « Slave to the Rhythm », honore un reggae rebelle avec « Pull Up to the Bumper ». Grace s’empare d’une new wave obsédante et ou d’un dub hypnotique à sa guise. J’ai assisté à sa performance sur la scène du lac du Montreux Jazz Festival le 12 juillet dernier. Et je peux te dire que Grace porte divinement son nom, l’impertinence et provocation en plus. Je te raconte l’une de mes plus belles expériences live à ce jour.

Grace Jones fait partie des artistes dont il est difficile de parler. L’admiration que le monde lui voue va bien au-delà de la musique. La fille de pasteur commence à bâtir sa légende dès 1977 lorsqu’elle quitte la Jamaïque. Depuis, elle est devenue une icône incontestée de la pop culture. Une voix grave, un timbre mécanique, un corps-sculpture, une attitude androgyne et glamour. Elle jongle aussi avec les genres musicaux comme peu savent le faire. Pour son quatrième passage à Montreux, des milliers de personnes ont fait le déplacement. Un diva sait se faire désirer. Grace Jones est donc en retard, mais ma foi, elle est déjà pardonnée. Mon cœur bat la chamade à l’idée de la voir performer et je trépigne d’impatience, littéralement.
Le rideau se lève sur fond de reggae avec “Nightclubbing” en guise d’intro. Sur fond d’hystérie aussi. Pourquoi faire une entrée incroyable quand elle peut être majestueuse? On découvre Grace Jones sur un trône qu’elle habite d’une prestance inouïe, vêtue d’un costume deux pièces et d’un masque tête de mort, qui fait plus l’effet d’une couronne, parfaitement ajustée. Pour accompagner sa voix rauque, je compte 7 musiciens dont une bassiste et deux choristes. Parité inégalable! Et puis, il n’en fallait pas plus pour nous faire fondre avec un “Montreux, je t’ai manqué?” directement suivi de “Private Life”.




La provocation lui va si bien…
Quand on l’invite, Grace Jones s’empare des lieux. Ici, sur la scène du lac, elle est chez elle. Et comme elle le scande si bien: “Je suis française, je suis Suisse, je suis italienne, je suis jamaïcaine”. Ses retouches make up ne se font pas dans les loges mais en public. Je t’assure qu’elle est chez elle. Elle se sert du vin rouge comme pour trinquer à nos retrouvailles et elle prévient l’équipe en backstage : “Gardez mon vin de communion svp. Je vais en avoir besoin! J’aime ce vin”. Mais elle communie aussi avec son audience en appelant à toutes les nationalités! Si tu ne le savais pas, Jones est jamaïcaine donc. Et tout comme l’hymne officielle de son pays – “Jamaica, Land We Love” – elle aime, elle aussi, à revendiquer cette fierté.
La fille de pasteur a longtemps été la reine de la fête! D’ailleurs, la fête est son église. La fashionista l’avoue, elle s’y est brulé les ailes à l’époque et doit bien se ménager à 77 ans maintenant. La muse épicurienne n’a pourtant rien perdu de son sens du show! Il n’y a que Grace Jones pour débarquer avec une perruque locksée pour interpréter l’un de ses plus gros tune : “My Jamaican Guy”. Seul un.e jamaïcain.e peut oser, au risque de se confronter à l’opinion publique. Si tu vois ce que je veux dire… Bref, Grace a le sens de l’humour. D’ailleurs, elle ironise dans un français parfait en tentant de retenir son pantalon qui se fait la malle : “Vous connaissez mon histoire! Fille de pasteur…et regardez-moi maintenant dis donc!”. Ça s’appelle l’art de rendre le chaos sublime.




A l’aube de ses 80 ans, Grace Jones n’a jamais été aussi sexy
L’icône de la mode a su honorer sa réputation. J’ai compté pas moins de 4-5 changements de tenues plus tard (oui, oui!) : costume 2 pièces, jupe boule, chapeau melon à paillettes, masque, coiffe, body string… Andy Warhol avait vu juste!
Place à “The Key”, un titre inédit funky à souhait. Pour la petite histoire, le titre était initialement prévu pour figurer sur Hurricane, le dixième album studio de Jones sous le nom “The Key to Funky”. Le morceau a finalement été abandonné mais depuis 2024, Grace le propose en live, en guise de teaser pour son nouvel album annoncé par ses soins l’année dernière. On attend d’ailleurs sa date de sortie officielle. Inutile de te dire qu’on se sent privilégié!
Il aura fallu attendre le titre “Pull Up To The Bumper” pour voir Grace dévoiler sa silhouette et faire, enfin, tomber ce pantalon encombrant! Foule en délire, c’est le hit auquel on pense quand on parle de la plus emblématique des artistes androgyne. On aurait pu croire au clou du spectacle mais non! C’est le moment qu’à choisi Jones, ornée d’une coiffe sculpturale, pieds nus et sur les épaules d’un garde du corps, pour rejoindre son public en fosse. C’est aussi le moment que nous attendions tous! Énergie, partage, générosité, proximité: Mémorable… Mention spéciale pour ses musiciens, musiciennes. Ils ont fait le show à la hauteur de la diva qu’ils ont accompagné.
Plus de vin, c’est la fin mais cette fois, on rentre à la maison
Il n’y a plus de vin, donc. A l’époque, Grace le confesse, elle aura appelé la téquila! Mais cette époque californienne est révolue. Cette fois, la fin est imminente. Mais tu savais toi que le cerceau était un jeu d’enfant pour notre Diva? Comment tenir un holla hoop plus de cinq minutes tout en continuant de chanter “Slave To The Rythm”? Je t’assure que ce n’est pas une blague. Elle a tenu! “William’s Blood”, “Walking In The Rain”, “Demolition Man”, “I’ve seen that face before”… on a eu droit à ses classiques et même à “Amazing Grace” chanté avec ironie, en clin d’œil provocateur à ses souvenirs de jeunesse.

Tu vois, sur scène, Grace Jones est radicale, magnétique, terriblement inspirante. Son énergie reste égale du début à la fin du live. Ses silhouettes affrontent la norme et sa performance défie l’ordinaire. Ce fameux soir où la lune se montrait encore pleine, on se demande qui brillait le plus. Ce soir-là, j’ai vécu la grandeur du chemin parcouru par la fille de pasteur, devenue une icône incontestée, non pas de la musique, mais de la pop culture toute entière! Je garde précieusement le souvenir grandiose de cette diva, aussi, l’un des plus beaux live qu’il m’a été donné de voir dans ma vie de mélomane obsessionnelle…Je te le souhaite aussi!






